- FATEHPUR SIKRI
- FATEHPUR SIKRIConstruite au sud d’Agra en Inde, sur une crête granitique qui domine la plaine arrosée par le Chambal, affluent de la Jumn , Fatehpur Sikri a été fort bien restaurée et conservée; la ville donne l’impression d’être demeurée intacte depuis le moment où elle a été abandonnée; il ne lui manque que les aménagements intérieurs et éphémères – qui ont naturellement disparu – et elle présente le cas unique d’une ville moghole du XVIe siècle telle qu’elle a été conçue et réalisée. Fatehpur Sikri est demeurée, à travers les siècles, un symbole parfait de la symbiose des cultures indienne et musulmane.Le Grand Moghol Akbar, qui régna de 1556 à 1605, aurait, dit-on, reçu du saint Cheikh Sal 稜m Chishti la prédiction de la naissance de son premier fils; le saint aurait même sacrifié un de ses propres fils, âgé de six mois, pour assurer cette naissance tant souhaitée. Ce fils aîné fut prénommé Sal 稜m et devait, lors de son règne (1605-1627), prendre le nom de Jah ng 稜r. En reconnaissance, Akbar décida de construire une ville impériale auprès de l’ermitage du saint, dont le tombeau en marbre blanc (1580) est l’un des ornements de la cité. Il inaugura Fatehpur Sikri en 1569, y résida longtemps avec sa cour, y fêta son triomphe militaire sur les royaumes du Sud, mais l’abandonna vers la fin de son règne au profit d’Agra.Une ville mogholeLa ville est enclose sur les trois façades en surplomb par un mur fortifié percé de huit portes monumentales, sur un périmètre de plus de onze kilomètres; elle est organisée selon un plan cohérent et fastueux, orientée nord-est - sud-ouest dans sa majeure partie. On remarquera le soin pris par les constructeurs de cet ensemble pour y multiplier les points d’eau: des piscines et des bains en grand nombre, un lac et des étangs artificiels, plusieurs plans d’eau décoratifs, tout cela était destiné à l’usage quotidien comme aux rites et au plaisir.Le palais proprement dit occupe sensiblement le centre du site; il est flanqué à quelque distance de la trésorerie et de l’hôtel des monnaies (Mint), au nord-ouest, et de la mosquée au sud-ouest. Le caravansérail (karawan sarai) est à l’écart, vers l’angle nord-ouest de la ville. Le groupe central est formé d’une succession de bâtiments disposés autour de plusieurs cours soigneusement dallées; il était pourvu d’un jardin de plaisance. Les édifices étaient destinés à l’empereur, à ses épouses et au harem, ainsi qu’aux dignitaires et courtisans. L’affectation des différents pavillons et palais n’est pas toujours connue. On reconnaît pourtant le hall des audiences solennelles ou publiques (Diwan i-Am), les appartements privés (khwabgah), les demeures des sultanes, l’échiquier géant gravé au sol dont les pions étaient, dit-on, des jeunes filles esclaves, le célèbre Pañch Mah l, palais de cinq étages destiné, croit-on, aux femmes de la cour, un hall pour les audiences privées (Diwan i-Khas).Ce dernier, terminé en 1575, est très curieux: simulant deux étages à l’extérieur, il n’en possède qu’un à l’intérieur; son unique salle est occupée par un pilier central, au volumineux chapiteau (un moulage en figure au South Kensington Museum de Londres) surmonté d’une plate-forme circulaire reliée aux côtés de l’édifice par quatre passerelles bordées de rampes en pierre ajourées. La tradition veut que l’empereur Akbar ait eu l’habitude de se tenir sur la plate-forme centrale, tandis qu’au-dessous de lui discutaient des docteurs, des professeurs et d’érudits personnages dont il aimait à écouter les savants propos.La mosquée est fort belle; on prétend qu’elle est la copie d’une mosquée de La Mecque. Élevée sur l’un des côtés d’une vaste cour dallée délimitée par des arcades, elle est composée de trois salles carrées, tous les toits étant scandés par les clochetons typiques de l’architecture moghole.Les composantes du style mogholL’ordonnance majestueuse de tout l’ensemble de Fatehpur Sikri, en même temps que son style particulier, autant indien que musulman, lui confère une place d’élection dans l’art moghol. Akbar était un homme éclectique: il sut exiger des architectes et des décorateurs une entente harmonieuse entre les formules persane et hindoue. C’est ainsi que les arcs persans et les toitures en coupole s’allient aux colonnades utilisées traditionnellement dans les deux arts, au symbolisme hindou (comme dans le Pañch Mah l dont les cinq étages en retrait évoquent la cosmologie de l’Inde, tout comme dans le pilier central du Diwan i-Khas) et aux habitudes décoratives des Hindous (bien qu’en modérant celles-ci). L’architecture akbarienne, aux lignes sobres et bien équilibrées, s’agrémente de chapiteaux en consoles aux moulures hindoues; parfois cruciformes, ils rappellent d’assez près les chapiteaux des cavernes bouddhiques et brahmaniques des époques anciennes; quelques-uns sont ornés de silhouettes du monstre marin appelé makara. Le chapiteau du pilier central du Diwan i-Khas s’inspire clairement du style du Gw lior contemporain. De même, les arcs polylobés réunissant certains piliers entre eux, ainsi que les parapets, sont d’un pur style hindou et les bases de colonnes portent souvent le motif de la lucarne bouddhique (gavaksha ou kudu ), repris par le répertoire plastique hindou. Enfin, certains pilastres sont décorés de rinceaux dont l’origine indienne incontestable se réfère à des styles chronologiquement très antérieurs.
Encyclopédie Universelle. 2012.